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GUERRE EN UKRAINE : LE GAZ MARTINIQUAIS, ALTERNATIVE AU GAZ RUSSE ?

Date de publication
1 septembre 2022

Martinique – Permis de Caravelle - 30 milliards de m3 de réserve de gaz. C’est l’estimation faite par la Société américaine, RSM Production Corporation (filiale de Grynberg Petroleum) qui avait reçu du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures au large de la Caravelle, le 5 août 2004. Malgré la taille significative de ce gisement, le projet est resté dans les cartons faute d’investissements suffisants pour finaliser l’exploration et surtout à cause de l’abondance du gaz disponible sur le marché mondial. Aujourd’hui la donne a changé. Avec la guerre en Ukraine et l’arrêt total des livraisons de gaz à la France par la Russie via le gazoduc de Nord Stream 1, ce projet de gaz martiniquais pourrait être relancé. Une opportunité pour la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) qui, depuis la publication du décret n°2018-62 du 2 février 2018, détient la compétence pour délivrer des titres miniers en mer concernant l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux et des sites géothermiques.

31 août 2022. La Russie vient de suspendre ses livraisons de gaz naturel à la France via le gazoduc Nord Stream 1. Pour compenser, à l’instar de ses voisins européens, la France est obligée de se tourner vers d’autres producteurs de gaz à la veille d’un hiver plus qu’incertain.

Soixante ans après la signature des Accords d’Évian marquant la fin de la guerre d’Algérie (400.000 morts), la récente visite officielle du Président E. Macron visait également, au-delà des questions mémorielles, à sécuriser l’accès au gaz pour les foyers français. Ainsi, la France a su négocier favorablement l’augmentation de ses importations de gaz Algérien qui devrait passer de 8% à 50 % d’ici 2024.

Néanmoins, au-delà de la diversification des sources d’approvisionnement à partir de la Norvège, de l’Azerbaïdjan ou de l’Algérie, le problème de l’insuffisance des sources d’approvisionnement disponibles au niveau mondial demeure.

La guerre en Ukraine nous révèle aussi le double langage des États Nations. Malgré des sanctions contre la Russie et les oligarques, la France a maintenu son approvisionnement en gaz russe. Quant à la fracturation hydraulique pour exploiter du gaz de schiste, elle est interdite en France depuis la loi Jacob du 13 juillet 2011 et le Conseil constitutionnel vient de confirmer cette interdiction en rejetant la requête d’une société du Texas. Pourtant, dans l’indifférence générale, la France s’apprête à importer du gaz de schiste américain transporté à l’état liquide par navire et ce, à un prix trois fois plus élevé que le gaz naturel.

LA DÉLIVRANCE DES PERMIS MINIERS : UNE COMPÉTENTE DE LA CTM

En France, seul l’État est habilité à délivrer des droits permettant d’explorer puis d’exploiter les ressources naturelles du sous-sol quand elles sont classées dans la catégorie des mines. La réglementation applicable à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures, à terre et en mer, relève donc du Code minier que ce soit pour la délivrance de permis exclusifs de recherches que pour la concession d’exploitation (décret n°2006-648 du 2 juin 2006).

Depuis la promulgation du décret du 2 février 2018 (en application de l’article 48 de la loi n°2000-1207 du 13 décembre 2000 d’Orientation pour l’Outre-Mer), c’est désormais la CTM qui est compétente pour délivrer les permis exclusifs de recherche et de concessions de substances minérales ou fossiles ainsi que les permis d’exploitation d’hydrocarbures liquides ou gazeux tant sur le domaine public maritime (12 milles marins) que sur la Zone économique exclusive, ZEE, (200 milles) et le plateau continental (350 milles).

En 2001, la société américaine RSM Production Corporation avait effectué auprès de l’État français une demande de permis exclusif qui couvre une superficie de 24 000 km2 dans la ZEE de la Martinique. Selon leurs estimations, une première campagne sismique du sous-sol marin avait révélé un gisement de gaz naturel évalué à 30 milliards de m3.

Certes, l’exploitation des hydrocarbures n’est plus d’actualité en France depuis la loi n°2017-1839 du 30 décembre 2017 mais, compte tenu du contexte international lourd de menaces et d’incertitudes, de la pénurie de gaz naturel disponible sur le marché mondial et du recours à l’exploitation honteuse du gaz de schiste américain, l’idée de l’exploitation du gaz martiniquais refait surface et pourrait trouver toute sa pertinence pour la Martinique.

Au moment où l’Octroi de mer (taxe douanière sur les produits importés ou non dans les RUP) est à nouveau attaqué de partout, la Martinique détient à travers ce gaz martiniquais un triple instrument fiscal (redevance tréfoncière, redevance des mines, redevance territoriale) qui devrait contribuer à aider financièrement les Communes, à renforcer l’économie du pays et à développer des emplois durables.

Reste à savoir si élus de l’Assemblée et exécutif de la CTM auront suffisamment d’audace pour inscrire rapidement cette opportunité gazière dans leur calendrier de travail ?

Martinique, le 31 août 2022

Louis Boutrin
Conseiller exécutif (2016-2021) en charge de l’Énergie
Président de MARTINIQUE-ÉCOLOGIE

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