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ROBERT : SARGASSES, PÊCHE & ÉCONOMIE BLEUE, DES DÉFIS À RELEVER

Date de publication
13 mars 2023

Robert - 11 mars 2023. Bienvenue à Pontaléry. En guise d’accueil en territoire Sargasses, une odeur pestilentielle qui empeste l’atmosphère vous saisissant littéralement à la gorge à mesure que vous longez la route depuis le stade municipal jusqu’au local de l’association Pass Poto. Le lieu n’a donc pas été choisi au hasard par Martinique-Écologie et Serge Capgras, à l’initiative avec ses amis du Robert de ce Forum-Citoyen consacré aux Sargasses, à la pêche et à l’économie bleue. L’idée étant, à partir d’un site impacté, d’aborder le phénomène d’invasion des Sargasses dans sa transversalité en intégrant certes sa dimension environnementale et sanitaire mais sans négliger ses impacts directs sur les secteurs de la pêche et de l’économie. Un moment d’information, d’échanges fructueux et de vérité à la hauteur des défis à relever dans les jours à venir.

Dans la salle bien remplie l’inquiétude se lit sur tous les visages. L’heure n’est pas à la décontraction mais à la gravité chez ces riverains et marins-pêcheurs dont le sentiment d’abandon est manifeste. Souvent écoutés mais jamais entendus par les nombreux visiteurs d’un jour, ils souhaitent avant tout exprimer leur désarroi face à l’inaction administrative et politique. Depuis 2011, date des premiers échouements de Sargasses, ils ont vu défilé une foultitude de Gwo-Tjap, Ministres, Sous-ministres, Secrétaires d’État, une kyrielle de Préfets, directeurs de services, élus et autres candidats aux élections législatives, sans que leur quotidien ne change pour autant. L’épisode du passage de Nicolas Hulot, l’éphémère Ministre de la Transition Écologique qui avait annoncé, ici-même, l’enlèvement des sargasses en moins de 48 heures, est toujours gravé dans les mémoires.

L’exposé introductif a été présenté par Serge Capgras, ingénieur et expert auprès des Tribunaux, qui expliqua le phénomène d’invasion des Sargasses en 2011 depuis que l’accélération de la déforestation au Brésil en 2009 et l’utilisation des engrais dans l’agriculture intensive. Par ruissellement, les fertilisants se déversent dans la Mer des Caraïbes via le fleuve Amazone et sont entrainés par les courants vers le bassin Caribéen. Avec le réchauffement climatique et l’augmentation de la température de l’océan, ils jouent un rôle de catalyseur au développement de ces algues brunes. Pour ce natif du Robert, la lutte contre l’invasion des Sargasses dépasse donc largement les frontières communales et territoriales et doit être menée à l’échelon international puisqu’il s’agit d’une remise en cause d’un modèle agricole productiviste et non durable.

Après avoir survolé les principaux enjeux dans la lutte contre les Sargasses notamment l’impact sur les écosystèmes littoraux et la santé publique, Louis Boutrin a présenté, une à une, ses principales propositions à court et moyen terme (voir article suivant – Propositions). D’abord la réforme d’un cadre juridique inadapté au contexte martiniquais, un soutien financier plus conséquent aux Communes et EPCI, une approche opérationnelle plus performante pour le déploiement de barrages anti-sargasses ainsi que la mise en place d’un fonds d’indemnisation des marins-pêcheurs dont le secteur a déjà été fortement impacté par l’interdiction de la pêche depuis octobre 2010 consécutivement à la pollution au Chlordécone. Ensuite, à moyen terme, le Conseiller à l’Assemblée de Martinique propose la mise en place d’une gestion anticipée des sargasses à travers un plan d’urgence local et un système de veille sur l’ensemble du littoral. Enfin Louis Boutrin a souligné l’urgence d’une mise en œuvre des principales préconisations de la Conférence internationale sur les Sargasses (Guadeloupe – 22 au 26 oct. 2019) au rang desquelles il convient de retenir la Conférence des donateurs qui devrait permettre un accompagnement financier des Territoires et États insulaires de la Caraïbe.

La transition fut toute trouvée pour François Tournier, gérant du CNM (Chantier Naval de Martinique) qui démontra les limites de la pêche traditionnelle basée sur une consommation accrue de carburant et une augmentation exponentielle du prix du pétrole qui remettent en question le modèle économique actuel de la pêche. Cet ancien marin-pêcheur qui navigue dans nos eaux depuis plus de 40 ans préconise une embarcation innovante, décarbonée et adaptée aux marées de plusieurs jours permettant ainsi d’exploiter la zone de pêche sur le plateau de Guyane. Son projet de voilier de pêche de 24 mètres équipé de 60 m2 de panneaux photovoltaïques, de 2 éoliennes et de 2 grandes voiles pour propulser le navire semble retenir l’approbation des pouvoirs publics du côté de la Direction de la Mer, de la CTM et du Cluster maritime. Reste à trouver un espace de 800 à 900 m2 du côté de la SEMAIR ou du Bassin de Radoub pour implanter un tel chantier naval pour la construction de voiliers de pêche de cette dimension avec une coque métallique. Alfred Monthieux, maire du Robert, va-t-il saisir cette opportunité pour positionner sa commune ?

Enfin, Alain LINISE, expert maritime et enseignant à l’École de Formation Professionnelle Maritime et Aquacole (EFPMA) de Trinité, a bien démontré l’impact grandissant de l’invasion des Sargasses sur les zones de pêche du littoral et ses effets dévastateurs sur la ressource benthique. Ce constat nous conforte dans l’urgente nécessité d’un changement du modèle économique en y développant le pescatourisme mais surtout une flotte de navires de plus de 10 mètres plus adaptés que nos yoles traditionnelles pour affronter la haute mer. Le projet de navires pontés porté par le COPEM (Collectif Pêche Martinique) semble y trouver là toute sa pertinence et devrait favoriser des marées de 2 à 3 jours pour la capture du poisson pélagique très abondant à l’Est de la Martinique dans la zone des 200 miles marins. Quant à la filière de chantier naval pour la construction de ces navires de 10 mètres et plus, elle est déjà dans les starting-blocks. La Direction de la Mer accompagne le projet du COPEM mais il reste à lever les derniers freins politiques du côté de la CTM.

Le débat qui s’en est suivi avec les participants fut franc, direct et sans langue bois. Chacun salua la qualité des intervenants et la clarté des exposés mais ne pouvait s’empêcher de souligner l’absence de réactivité des autorités publiques pour un fléau qui empoisonne de manière récurrente la vie des riverains depuis 2011. L’annonce en août 2022 de la création d’un Groupement d’intérêt Public (GIP) tant en Guadeloupe (SARGIP) qu’en Martinique interpelle les administrés qui espèrent que les Maires ne se défausseront pas en les renvoyant désormais vers ce GIP dont les ressources financières demeurent incertaines. Quant aux représentants de l’État, ils en ont pris pour leur grade en référence à la déclaration de Nicolas Hulot qui avait mis les pieds dans les plats en dénonçant sur RFI lors de sa démission en août 2018 l’absence de moyens financiers pour mener à bien la lutte contre les Sargasses aux Antilles. Une riveraine de Pontaléry regretta également le manque de suivi et de maintenance des barrages flottants mis en place par la Commune, témoigna de la dégradation de son état de santé depuis que les Sargasses s’amoncellent en face de sa maison, avant d’égrainer sa liste de doléances toutes aussi légitimes les unes que les autres. 

Alors, en pareilles circonstances, c’est une forme d’admiration et de profond respect que l’on éprouve face à ces riverains qui, loin d’être désabusés, ne laissent pas exploser leur colère espérant toujours de véritables solutions venant des pouvoirs publics. Qu’ils soient tous remerciés pour leur écoute attentive et l’intérêt qu’ils ont marqué pour le sujet en restant jusqu’à la fin des échanges permettant ainsi d’enrichir les débats par la pertinence de leurs témoignages. Des actions plus concrètes leurs seront proposées sous peu par Martinique-Écologie.

L.B.

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