Adhérez

L'ombre de Marine par Georges-Henri Léotin

Date de publication
2 mai 2017

Il y a une photo qui symbolise le XXème siècle passé, dans ce qu’il a eu de plus horrible, de plus répugnant. Elle a été prise à la fin de l’insurrection du ghetto juif de Varsovie (mai 1943). On y voit un tout jeune garçon, 10/12 ans, qui lève les bras comme un prisonnier de guerre. A sa droite, les soldats nazis armes au poing, victorieux d’insurgés affamés et cent fois moins nombreux Derrière lui, des femmes et encore de jeunes enfants. On ne sait ce que sont devenus exactement le petit garçon ni la famille qui le suivait. Ce qui est établi : les Juifs du ghetto devaient être déportés en masse à Tréblinka, pour y être gazés puis brulés, hommes, femmes et enfants.

Toutefois, ce qui doit être retenu du ghetto, autant que la barbarie nazie, c’est le fait même de l’Insurrection. Une insurrection d’autant plus glorieuse qu’elle était vouée à l’échec : « Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira  vivant d’ici. Nous voulons sauver la dignité humaine » : ce sont les paroles qu’on  a rapportées, de la bouche d’un combattant. L’Insurrection du ghetto de Varsovie fait partie des évènements les plus glorieux de l’Histoire universelle, avec la révolte des esclaves de Spartacus sous l’empire romain, la Révolution anti-esclavagiste haïtienne  de 1804, la révolution française de 1789 – cette liste n’étant pas exhaustive. L’ex-chancelier allemand Willy Brandt ne s’y est pas trompé, qui s’est agenouillé devant son Mémorial, à Varsovie. Honneur et respect à ces combattants qui se sont dressés contre une entreprise qui n’avait d’autre but que de faire disparaître de l’Europe toute une population Loin donc d’être un « détail », la Shoah (qui d’ailleurs concernait aussi les population tziganes), est sans aucun doute l’évènement le plus important de la Seconde guerre mondiale, pour la conscience universelle. Aujourd’hui, la bête immonde, le nazisme, a-t-il disparu de l’Europe ? Non. Il existe encore, en Autriche notamment, des partis politiques qui s’en inspirent, des groupes néo-nazis. Et il se trouve que Marine Le Pen, comme présidente du F.N., a participé à des rencontres de l’extrême – droite européenne, notamment à un certain bal de Vienne (en janvier 2012), avec le « FP.O. » autrichien, dont certains membres sont proches de la mouvance néo-nazie. Il y a eu, et l’opération se poursuit, une entreprise de « dédiabolisation » du Front national . Marine a remplacé Le Pen, on dit votez Marine et plus votez F.N., le logo (une espèce de « serbi ») a été souvent gommé  Derniers exemples de la volonté de réfection de la façade et d’amélioration de l’image : une photo de la présidente sur fond de bibliothèque : les livres, ça rassure, on est loin de la tradition anti-intellectualiste du fascisme. On a vu Marine en bateau, cheveux au vent, rappelant au bon peuple que son grand-père était marin-pêcheur ! Marine fréquente la France qui se lève tôt, fait des selfies avec les ouvrières de Whirpool…Le populisme aujourd’hui, comme le fascisme et l’hitlérisme hier, n’exclut pas la dimension sociale, pas absente de son programme (on a pensé par exemple aux petits retraités…). Mais il reste la part d’ombre. Et parfois le refoulé revient, quand par exemple elle veut disculper la France de la honte de la  Collaboration active, qui a amené la Rafle du Vel d’Hiv par la police et l’administration françaises. Edouard Glissant disait à propos de Mona : « L’ombre de Mona est un aussigrand musicien que Mona lui-même » (in Karibel-Mag, juillet/aout 1992). Marine Le Pen fait des efforts pour passer pour une candidate, d’extrême-droite certes, mais comme les autres, fréquentable. Mais l’ombre de Marine la suit, plus grande qu’elle, sinistre et terrifiante. Georges-Henri LEOTIN  (29/04/17)