Habitante du Nord de l’île, j'aime le littoral Caraïbe, sa beauté désuète, son sable noir, ses mornes et ses grands fonds, ses sites historiques oubliés eux aussi. De l'Atlantique, j'aime la beauté sauvage et l'océan ingérable, j'aime la campagne bucolique, bref, j'aime le Nord ! Et je dois le dire, descendre à Fort de France est toujours pour moi et ma fainéantise coupable, un exercice d'abord intellectuel, car je dois penser à tout ce que cela me rapporterait, avant de me décider et prendre ma voiture en direction de la ville capitale.
Vendredi, avant le samedi du premier tour des élections, mes occupations artistiques m’obligèrent à me bouger, hors de ma commune. Ainsi je rencontrai toute la Martinique ou presque, en particulier celui du monde des artistes, pour un spectacle de soutien à l'un des nôtres. Heureux de nous rencontrer, dans nos conversations, je pus m’apercevoir que les présidentiels si proches n'étaient pas la préoccupation première de mes congénères. L'agitation du moment étant plutôt notre quête pour une salle pour un théâtre populaire, une salle pour travailler. Notre fébrilité était pour le spectacle qui avait lieu le soir même, au Grand Carbet de FDF et que nous devions réussir, sous peine de nous voir considérer pour des moins que rien, des désœuvrés, des sans foi ni loi, que sais-je encore. Bien nous en a pris car le spectacle fut beau et le public nombreux. C'est alors que prenant la blague avec un ingénieur du son, un type plutôt intelligent, avec qui et en d'autres temps, nous eûmes l'occasion de travailler à Saint Pierre, au début des années 2000. S'excusant poliment, le bougre me lâchât une phrase qui trotte encore dans ma tête. « Comme toi, j'aime le Nord, mais j'ai dû déménager, car il faut tout de même le dire, Nady, en commune, les gens sont plus bêtes qu'ailleurs». Je ris jaune, mais je ris quand même ; Que faire d'autre ? Vint alors ce fameux dimanche soir, des élections présidentielles, moment solennel des résultats de l'Hexagone. Résultats qui ne me choquèrent pas car ils reflètent malgré tout, cette France d'aujourd'hui. Le vote Marine Le Pen est un vote de la désespérance, tandis que Emmanuel Macron est le candidat des métropoles mondialisées. A la Martinique, désormais, lorsqu'il s'agit d'élections présidentielles, la population se sent très moyennement intéressée et le taux d'abstention parle de lui-même. Pourtant, lorsque s'agissant des résultats de l'Outre Mer, j'entends dire que dans mon Nord Caraïbe, au Prêcheur - une commune chère à mon cœur - la candidate du Front National a obtenu un score record (24, 78%), je reçois un palaviré et je reste pantoise. Avec toute ma mauvaise foi, je commence à babiller, disant que c'est une erreur, qu'il est facile de noircir l'esprit des gens. Face à Hub qui se moque méchamment, je nous trouve toutes sortes d'excuses. C'est alors que le petit écran met en lumière un journaliste interviewant le maire de la commune du Prêcheur. C'est le non moins Président du parti politique « NOU PEP LA » En écoutant la réponse du premier magistrat, je reçois une deuxième gifle quand il répond que le vote FN du Prêcheur, est la résultante de la présence de la communauté haïtienne très nombreuse dans sa commune. Je me persuadais pourtant que le Prêcheur avait un avenir, car doté d'un atout considérable, son maire : un homme instruit, un homme d'aujourd'hui, un cadre supérieur en capacité de mener ses administrés et sa ville à une émancipation indispensable si le Nord veut se mettre au diapason des sites éligibles pour le tourisme, une économie en voie de réussite pour le pays Martinique Cette réponse de l'édile de la commune du Prêcheur me ramena tout droit à la conversation que j'avais eu avec mon ingénieur du son quand il disait il faut tout de même le dire, Nady : En commune, les gens sont plus bêtes qu'ailleurs» Aussi me suis-je rebellée. Non, ce n'est pas la vérité. Non, nous ne sommes pas, ni les plus noirs, ni les plus couillons ! Je me suis dit, le Prêcheur une si jolie commune, est plutôt une victime ! Il y a là de la rétention d'information. Car comment admettre que les administrés n'aient pas d'autres échos que les discours populistes de Marine Le Pen ? Peut-être ne savent-ils pas qu'ils devraient se méfier de la vacuité de ses discours, de l'indigence de son programme, du racisme ordinaire dont la candidate fait montre mais qui ne dérange plus personne. Nous, gens du Nord, nous devons mettre en garde les habitants des communes sœurs, qui ont vôté samedi dernier Marine LE PEN. Elles doivent se méfier de la démagogie, celle qui joue sur la peur de l’avenir, la peur du monde, la peur du changement, la peur de l'autre, la peur des haïtiens et leurs malheurs. Aristote dit : La plus grande injustice est de traiter également les choses inégales Peut-être ne savent t-ils pas ceux du Prêcheur et du Nord de la Martinique que si le Front National est au pouvoir à partir du mois de Mai, certes il y aura moins de haïtiens et au Prêcheur particulièrement. Mais nul doute, pour réduire le chômage que le FN qui nous aime tant ne n'ira pas chercher loin, elle demandera de replanter la canne, cette économie sucrière magnifique, qui a fait le bonheur de nos ancêtres.