Monsieur le Président de l’Assemblée de Martinique
Chers(es) collègues.
Nous avons déjà perdu 11 années depuis que ce scandale d’empoisonnement au Chlordécone a été révélé au grand jour.
Alors aujourd’hui, face au drame humain et aux conséquences calamiteuses annoncées, tant sur le plan environnemental, qu’économique et sociale il n’y a de place ni pour les approximations, ni pour les tergiversations et encore moins pour les accusations tardives ou les tentatives récupérations médiatiques.
Il nous faut aller à l’essentiel car les Martiniquais qui ont déjà payé un lourd tribut à cet empoisonnement attendent des autorités étatiques des réponses concrètes.
L’essentiel c’est quoi, me direz-vous ?
L’essentiel c’est une réponse concrète à la promesse faite par l’ex-Ministre de la Santé, Roseline BACHELOT depuis 2007. Nous demandons un recensement, un examen biologique et un suivi médical pour tous les ouvriers agricoles qui ont travaillé dans la banane de 1972 à 2002.
L’essentiel ce sont les marins pêcheurs 33 % du littoral et certains fonds de Baie qui sont interdits à la pêche. Nous demandons à l’Etat un fond d’indemnisation pour les marins-pêcheurs et les aquaculteurs pour accompagner la mutation de pratiques de pêche et pour sortir de cette logique de non-assistance à profession en danger.
L’essentiel c’est le contrôle de la potabilité de l’eau. Durant des décennies les fermiers ont distribué à la population une eau gorgée en Chordécone, sans contrôle, en totale contravention avec les dispositions de la loi sur l’eau. Nous demandons également un contrôle très strict des résidus de charbon actif chargés en pesticides, notamment en Chlordécone.
L’essentiel c’est aussi ce scandale des LMR (Limites Maximales Résiduelles).Le simple fait d’accepter l’idée même des LMR montre bien l’absence d’une réelle prise de conscience collective face à l’ampleur de cette contamination massive qui frappe 92% de la population. Quels sont les effets chez l'homme de ce cocktail de pesticides organochlorés (HCH béta, Dieldrine, aldrine, chlordane) absorbés des années durant ? Quid de la bioaccumulation de ces pesticides à l'intérieur de nos organismes ?
Notre position est claire. Elle s’appuie sur des études scientifiques américaines dont celle du Pr. Frederick Won Saal (University of Missouri) qui précisait que « Ces pesticides sont dangereux quelle que soit leur dose, il n’y a donc pas de seuil ». Pas de seuil pour les produits interdits, pas de seuil pour le Chlordécone reconnu par la Communauté scientifique internationale comme étant un cancérigène, un perturbateur endocrinien et un polluant organique persistant (POP) faisant l’objet d’une Convention internationale (Stockholm) visant à leur éradication de la surface de la Terre.
L’essentiel enfin, c’est la proposition de classement du Chlordécone comme cancérigène certain (Groupe 1), non pas probable (2A) tel que prévu par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Nous demandons au gouvernement de saisir le CIRC pour un tel classement.
Ce matin, le Préfet a conclu ses propos en invoquant l’Avenir. Nous sommes donc en droit d’attendre des autorités étatiques des réponses concrètes qui puissent éclairer l’avenir.
Martinique, le 9 février 2018
Louis BOUTRIN
Conseiller exécutif de la CTM